Resumé
Les tumeurs sont entourées d’un microenvironnement complexe comprenant des cellules tumorales, des fibroblastes et une diversité de cellules immunitaires. Avec le développement actuel des immunothérapies, la compréhension de la composition du microenvironnement tumoral est d’une importance critique pour effectuer un pronostic sur la progression tumorale et sa réponse au traitement. Cependant, nous manquons d’approches quantitatives fiables et validées pour caractériser le microenvironnement tumoral, facilitant ainsi le choix de la meilleure thérapie.
Une partie de ce défi consiste à quantifier la composition cellulaire d’un échantillon tumoral (appelé problème de déconvolution dans ce contexte), en utilisant son profil omique de masse (le profil quantitatif global de certains types de molécules, tels que l’ARNm ou les marqueurs épigénétiques). La plupart des méthodes existantes utilisent des signatures prédéfinies de types cellulaires et ensuite extrapolent cette information à des nouveaux contextes. Cela peut introduire un biais dans la quantification de microenvironnement tumoral dans les situations où le contexte étudié est significativement différent de la référence.
Sous certaines conditions, il est possible de séparer des mélanges de signaux complexes, en utilisant des méthodes de séparation de sources et de réduction des dimensions, sans définitions de sources préexistantes. Si une telle approche (déconvolution non supervisée) peut être appliquée à des profils omiques de masse de tumeurs, cela permettrait d’éviter les biais contextuels mentionnés précédemment et fournirait un aperçu des signatures cellulaires spécifiques au contexte.
Dans ce travail, j’ai développé une nouvelle méthode appelée DeconICA (Déconvolution de données omiques de masse par l’analyse en composantes immunitaires), basée sur la méthodologie de séparation aveugle de source. DeconICA a pour but l’interprétation et la quantification des signaux biologiques, façonnant les profils omiques d’échantillons tumoraux ou de tissus normaux, en mettant l’accent sur les signaux liés au système immunitaire et la découverte de nouvelles signatures.
Afin de rendre mon travail plus accessible, j’ai implémenté la méthode DeconICA en tant que librairie R. En appliquant ce logiciel aux jeux de données de référence, j’ai démontré qu’il est possible de quantifier les cellules immunitaires avec une précision comparable aux méthodes de pointe publiées, sans définir a priori des gènes spécifiques au type cellulaire. DeconICA peut fonctionner avec des techniques de factorisation matricielle telles que l’analyse indépendante des composants (ICA) ou la factorisation matricielle non négative (NMF).
Enfin, j’ai appliqué DeconICA à un grand volume de données : plus de 100 jeux de données, contenant au total plus de 28 000 échantillons de 40 types de tumeurs, générés par différentes technologies et traités indépendamment. Cette analyse a démontré que les signaux immunitaires basés sur l’ICA sont reproductibles entre les différents jeux de données. D’autre part, nous avons montré que les trois principaux types de cellules immunitaires, à savoir les lymphocytes T, les lymphocytes B et les cellules myéloïdes, peuvent y être identifiés et quantifiés.
Enfin, les métagènes dérivés de l’ICA, c’est-à-dire les valeurs de projection associées à une source, ont été utilisés comme des signatures spécifiques permettant d’étudier les caractéristiques des cellules immunitaires dans différents types de tumeurs. L’analyse a révélé une grande diversité de phénotypes cellulaires identifiés ainsi que la plasticité des cellules immunitaires, qu’elle soit dépendante ou indépendante du type de tumeur. Ces résultats pourraient être utilisés pour identifier des cibles médicamenteuses ou des biomarqueurs pour l’immunothérapie du cancer.